Leipziger Witzkultur
Briefgedichte
(An Trapp)
(...) Vous connoissez ma passion pour la belle Charitas, que Vous l'avez crue le plus fort motif de m'amener a Vous ecrire, en me donnant par Horn le doux espoir, de me faire entendre des nouvelles, qui touchent de plus pres Votre charmante niece. Votre offre a encore plus depouvoir sur moi, parceque je suis toutafait delaissè par ce mechant Muller.
Muller! Je suis fache de ce malicieux.
Ce n'est plus cet ami si tendre en ses adieux,
Qui m'aimant autre fois, relevoit ma foiblesse,
Se joingit a ma joie, et chassa ma tristesse.
Aujourdhoui tout changè, il rit de mes soupirs,5
Et dans un noir chagrin fait changer mes plaisirs.
Jamais il ne m'ecrit des nouvelles agreables
Sans qu'il fasse entrer un recit qui m'accable;
Et qu'il d'un coup mechant, adroitement portè,
Ne m'ote le bonheur, que lui meme a donnè.10
Le cruel! II connoit mon coeur sensible et tendre,
II connoit le repos qu'il y pourroit repandre;
II scait bien qu'un ami s'il ne peut nous aider,
Devroit en nous plaingnant pourtant nous soulager.
Le fait il? Oh que non! Ma douleur est extreme.15
Je suis foible il est vrai. Est on fort quand on aime.
Mais il ne cherche rien que de combler mes maux,
Et me dit en riant: Ha, tu as des rivaux.
Je ne le scais que trop, sans qu'il le dise encore.
Tout qui la voit l'admire, qui la connoit l'adore,20
Mais faut il eveiller, l'idee plein d'effroi,
Un rival est plus digne de cet enfant que moi.
Soit! Si je ne suis; je vais chercher de l'etre.
Chassons le vil honneur! Que l'amour soit mon maitre.
J'ecouterai lui seul, lui seul doit me guider,25
Au sommet du bonnheur par lui je vais monter.
Au sommet de la science montè par l'industrie,
Je reviens, cher ami, pour revoir ma patrie,
Et viens voir, en depit et tout altier censeur,
Si elle est en etat d'achever mon bonheur.30
Mais il faut j'usques la que Votre main m'assiste.
Laissez parler toujours ce docte moraliste.
Ecrivez moi! Que fait l'enfant autant aimè?
Se souvient il de moi? Ou m'at il oubliè?
Ah ne me cachez rien qu'il m'eleve ou m'accable.35
Un poignard de sa main, me seroit abgreable.
Ecrivez, c'est allors, que de mon coeur cheri,
Comme elle est mon amante, Vous serez mon ami.
Je suis avec toute affection possible
Cher Trappe
Le Votre Goethe
Lipsic
c. 2 du Juin. 1766.
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